Émotion pure. Dimanche soir à 20h00, les sourires, les cris, mais surtout les larmes de soulagement. Pendant quelques minutes persiste dans les regards une forme d’incrédulité. Est-ce que c’est trop beau pour être vrai? Rapidement, des milliers de personnes se rassemblent place de la République. Elles surgissent d’abord des bouches de métro avoisinantes, des terrasses du 11e arrondissement, puis débarquent de toute la ville. Personne n’osait y croire, la gauche rassemblée l’a fait. Malgré un bashing politico-médiatique malhonnête et indigne, elle s’est érigée en barrage et a vaincu l’extrême droite sur un programme audacieux de rupture. Dans un frisson collectif, le peuple de gauche exulte. Les chants antifascistes font vibrer Paris jusqu’au bout de la nuit.
Un peu plus d’une quinzaine d’heures plus tôt, au sommet de la ville de Lausanne, dans les entrailles de l’usine Tridel, l’after party du festival de la Cité est bien entamée. Il est trois heures du matin, tous les sondages donnent encore le RN gagnant chez nos voisins. Soudainement, invitées par un beat puissant qui déchire l’obscurité, un millier de personnes se mettent à scander, d’une seule voix et pendant plusieurs minutes, le célèbre slogan italien “Siamo Tutti Antifascisti”. La force d’un tel moment, dans une ville où la majorité n’est pas directement concernée par les législatives françaises, est symptomatique. Dans la nuit de samedi à dimanche, le public de Tridel a pris conscience que l’on entrait dans un nouvel espace politique. Que les élections françaises dépassent désormais la France. Que, désormais, le front antifasciste, le barrage à l’extrême droite, doit s’étendre, monter en puissance, partout et collectivement. Que l’idéologie raciste qui réclame, et obtient, le pouvoir dans des pays toujours plus nombreux n’a pas de frontières. Que la lutte est culturelle. Que face à l’internationale du fascisme des Trump, Modi, Le Pen, Orbán, Meloni, Saïed, l’internationale progressiste et socialiste doit se montrer unie et solidaire.
La France de 2024 nous donne un aperçu de ce qui nous attend tous. A l’heure où le néolibéralisme est à bout, où il lutte pour sa survie avec détermination mais où il est déjà clair que son dernier souffle est proche tant les injustices qui le structurent sont devenues insupportables et injustifiables aux yeux d’un nombre grandissant de ses victimes, deux choix s’offrent à nous. Hier soir, des messages ont afflué sur les réseaux sociaux du monde entier. Les progressistes de tous les pays ont scandé ensemble “No Pasaran”. Le peuple de l’Hexagone a montré une voie. Il a allumé une lueur d’espoir au commencement d’une nouvelle ère qui s’annonce obscure. Le travail de normalisation de l’extrême droite en cours depuis trois décennies n’a pas encore sapé tous nos principes. Un monde plus juste est possible. Mais l’extrême droite continue de progresser, en France comme ailleurs. La lutte culturelle va continuer avec d’autant plus d’intensité. Demain, ce sera eux ou nous. Il n’y aura plus de coups de semonce. Nous ne pouvons plus céder un seul centimètre. Il est de la responsabilité de chacun de se lever pour se battre, convaincre, rassurer, tête par tête, vote par vote.